Loir et pas cher !
Alors que nombreux sont les politiques et les dirigeants d’entreprises qui se sont pris les pieds dans le tapis en tentant de changer de logo pour de mauvaises raisons, le département du Loir-et-Cher affiche clairement son intention de créer son logo lui-même. Ce sont les élus et la direction de la communication de l’institution qui réaliseront le nouveau logo eux-mêmes. Vlan ! La news est tombée dans le journal local de La Nouvelle République :
https://www.lanouvellerepublique.fr/loir-et-cher/le-nouveau-logo-du-loir-et-cher-a-choisir-des-le-7-novembre-2019
Les loiréchériens sont invités à voter entre ces trois choix :
À première vue, l’énorme avantage de cette décision, est de simplifier les démarches de rédaction d’un appel d’offres en évitant les pièges éthiques de dédommagements, de fond (quels enjeux d’avenir communiquer ?) et économiques (évitons les dépenses publiques qui pourraient être pointées du doigt !)
Naïf.
Il est naïf de croire qu’en produisant un logo gratuit par des équipes qui ne sont pas formées pour cela le résultat sera pertinent ou efficace. Je vais vous expliquer pourquoi :
Fausse économie
Non un logo n’est pas gratuit ! Dans ce que l’on appelle une refonte ou un rebranding, ce qui coûte de l’argent ce ne sont pas les honoraires de création de l’agence de Design. Non.
C’est quoi ?
C’est tout simplement le fait de devoir dégriffer l’ancien pour remplacer par le nouveau. Cartes de visites, enseignes, documents administratifs, équipements, tenues, véhicules, panneaux signalétiques, etc. Cela n’a l’air de rien mais la facture est lourde et peut aller largement au delà des six chiffres !
Fausse éthique
Quand un acteur public majeur refuse de jouer son rôle d’acheteur il montre le mauvais exemple. L’irrésistible appel du buzz produit par les réseaux sociaux a encore frappé ! Ici les élus, présidence en tête, ont cédé devant la course à la médiatisation que peut offrir un tel appel à participation des citoyens.
Bien largement au-delà des questions esthétiques du “j’aime” ou “j’aime pas”, ce jeu du vote citoyen reflète le manque de compétences dans :
La définition des enjeux du territoire.
L’affirmation de repères territoriaux ou patrimoniaux.
La constitution d’une vision d’avenir, d’un cap.
La réalisation de l’image de marque du territoire qui découle des points précédents.
La capacité à savoir acheter et donc à choisir la meilleure voix.
La capacité à savoir s’entourer d’experts (quand on ne sait pas faire).
Imaginez :
Vous n’êtes pas designer, et avez une petite société, disons un magasin de jouets ;-) Vous décidez de réaliser votre identité avec vos vendeurs. Vous faites 3 pistes que vous soumettez à votre famille et vos quelques clients. Où est le problème ? Vous êtes chez vous, vous faites comme vous le voulez c’est sûr !
Votre porte d’entrée est à changer ? Vous appelez un ami qui va bricoler un truc…
c’est gratuit !Vous avez besoin d’un site ? Votre neveu va s’en charger, et tant pis si c’est moche et pas pratique…
c’est gratuit !Vous voulez changer la décoration du magasin ? Vous le faites vous même ! C’est pas top c’est sûr mais…
c’est gratuit !
Un logo n’est pas un jouet ou un doudou made in China . On n’en change pas à tour de bras. Le Loir-et-Cher est un bon exemple avec une belle longévité de 28 ans pour sa salamandre et la silhouette de Chambord.
Tout comme un jouet, le logo souffre de médiocrité. Matériaux plastiques de mauvaise qualité dégageant des odeurs de solvants, fragilité, vétusté, chaine de production à l’autre bout du monde, etc.
Le rôle des politiques est d’être exemplaires ! Quand ils adoptent ce genre de comportements, c’est toute l’économie du secteur qui est touché. Les départements sont des acteurs de premier plan localement, et se doivent d’être remarquables.
Tout le monde s’accorde pour dire que le logo du département avait besoin d’être revu. C’est certain. Lisibilité, formes, couleurs, sens, avenir, une bonne refonte est nécessaire.
À propos de ces 3 pistes
La question que l’on est en droit de se poser, que l’on soit pro ou non, c’est comment juger la qualité d’une création dans le contexte de la commande ?
Le sens :
Nous pourrions alors reprendre les 3 premiers points plus haut (enjeux, repères, vision) pour tester si les créations sont en adéquation. Pas la peine de chercher très loin dans le cas présent pour voir que rien n’anime les créations ici présentes. Pas de fond, pas d’enjeux (mobilité, social, emploi, histoire, patrimoine) et évidemment pas de vision !
Étrange pour le département qui abrite Chambord et tant d’autres châteaux ! Et ses cours d’eaux dont il tire son nom, ses paysages, ses valeurs, son attractivité !
La forme :
“La forme c’est le sens qui remonte à la surface”
Victor Hugo
Les 3 pistes de logos présentent une construction avec les seuls éléments typographiques “Loir-et-Cher” ainsi que la mention” Le département “et parfois le chiffre 41. Les compositions sont faibles et les justifications des alignements des formes sont pour le moins aléatoires. On ne devine pas de rigueur de construction dans ces maquettes. Pas de jeu visuel comme dans certains logos célèbres, pas de signe, pas de dessin, aucune distinction et aucune particularité. On pourrait changer les mots par d’autres et utiliser ce logo pour tout autre chose sans aucun problème.
Émotion :
Comment réagir avec des telles images ? Quand le sens n’est pas lisible. Quand la forme ne convainc pas ? Quelle émotion ce logo me procure-t-il et quel lien j’entretiens avec la société que ce logo représente ? Le principal enjeu des territoires est l’attractivité.
Qu’est ce qui fait que l’on se sent bien ici ?
Pourquoi rester après ces études ?
Pourquoi y revient-on ?
Quel lien j’entretiens avec mon territoire ?
Pourquoi j’y installe mon entreprise ?
Manifestement ces logos n’ont que faire des questions d’attractivité…
Ethique à ETIC
Savoir s’entourer est une des plus grandes qualités des dirigeants et sans doute des politiques.
Saviez-vous qu’au cœur du Loir-et-Cher se trouve une école de Design qui abrite des futurs professionnels encadrés par une talentueuse brochette d’enseignants et professionnels ?
Je m’adresse personnellement aux politiques du département et je vous invite à mettre de coté votre concours qui ne produira aucune valeur. Si vous cherchez à produire de la valeur, passez les portes de cette école et construisez un workshop avec les étudiants. Interrogez votre territoire à travers la génération qui le construira après vous. Rémunérez les étudiants à la hauteur de leur prétention, valorisez-les et communiquez largement sur la richesse des résultats produits par des expositions on et off-line à l’hôtel du département !
C’est une des meilleures façons de faire le BUZZ, je vous le garantis ! ;-)
A bon entendeur…